Les galeries Tanit et District Art se font un malin plaisir de réenchanter notre univers en accueillant, l’une (Tanit) vingt-trois photographes et l’autre (District Art Gallery) huit photographes.
Depuis la montée en puissance des smartphones et des technologies de pointe, tout le monde, ou presque, peut prendre des photos de bonne qualité. Mais tout le monde, ou presque, n’est pas pour autant photographe et, moins encore, artiste apte à avoir son œuvre exposée dans une galerie. Comment expliquer alors ce nombre assez élevé d’artistes qui s’adonnent à ce médium et dont les œuvres ont réussi à convaincre les galeristes de leur accorder leurs cimaises ?
Depuis son entrée sur la scène artistique, Nayla Kettaneh n’a jamais arrêté de faire découvrir et d’exposer des artistes photographes. De Rania Mattar à Nadim Asfar, il y a quelques années, en passant par Gilbert Hage et Fouad Elkoury, son écurie d’artistes est riche et foisonnante et compte aujourd’hui autant d’artiste peintres que de photographes confirmés. Quant à Maher Attar, il s’adresse depuis l’inauguration (2021) de sa galerie à tous les photographes émergents libanais. Avec sa seconde initiative « Through the Lens of Rising Photographers », il cherche à raviver le goût pour la photographie au Liban et réunit ceux qui, en dehors de leur métier, travaillent dans le médium photographique pour le plaisir et la passion. « Through the Lens of Rising Photographers » est une exposition et un programme de mentorat identifiant et soutenant les projets les plus passionnants et les plus pertinents basés au Liban. Si la peinture peut sortir des sentiers de la réalité, la transformer, l’interpréter, la réinventer ou la modifier, la photographie est l’art de faire parler le réel. Entre le récit imagé de ce qu’elle montre et ce qu’elle dit des intentions du sentiment et du regard de celui qui l’a produite, se met en place tout un discours. La photographie ravive en celui qui l’appréhende des souvenirs des projections des réflexions et des rêveries. Un dialogue se met alors en place.
Bousculer les perceptions
Les photographies de Youssef Nabil et de Samer Mohdad ont été exposées ces trente dernières années dans des institutions et des festivals à travers le monde, et Rania Mattar, grande portraitiste questionnant l’identité, n’est plus à présenter. Les approches de Ziad Antar s’articulent en se concentrant sur la pratique derrière la production et la qualité visuelle d’une image autour de la remise en question de la nature du médium photographique. Quant à celles de l’artiste canadien Stephen Waddell, elles diffèrent de la photographie de rue traditionnelle. Le photographe ne recherche pas le moment spontanément composé, mais celui qui apparaît comme s’il avait été mis en scène pour l’appareil photo. Taryn Simon, artiste américaine, incorpore des médiums allant de la photographie et de la sculpture au texte sonore et à la performance. Chacun de ses projets est façonné par des années de recherches et de planification rigoureuses. Frank Christen établit ses portraits en isolant chaque couche de feuilles. Son approche appliquée répond à une esthétique de simplicité et d’harmonie rappelant les codes du haïku japonais.
L’univers visuel de Jinane Baalbaki bouscule les perceptions et les échelles, se joue des contrastes de la lumière et des gammes chromatiques de chaque sujet investi.
En manipulant les couleurs et les angles, elle laisse la beauté et l’abstraction s’entremêler pour alimenter sa vision artistique et créer un voyage captivant où elle invite les spectateurs à explorer et à trouver leur propre connexion personnelle avec l’imagerie.
Pour elle, la photographie a toujours été un mode de vie. « Mon objectif, dit-elle, est de transformer des idées abstraites en formes tangibles qui poussent les spectateurs à ressentir l’émotion. Il s’agit de créer quelque chose à partir de rien et de donner vie à des idées qui existent uniquement dans le domaine de l’abstraction. » Face aux flux d’images qui nous assaillent dans notre quotidien, Jinane Nassar, radiologue spécialisée en imagerie mammaire, est passionnée par les images. Elle tente de trouver une autre vitesse, un autre tempo qui permettent de prendre du recul, de méditer, de capturer et de vivre le moment. Dans sa manière d’envisager la photographie, Jinane Nassar pourrait faire l’éloge de la lenteur. Ce sont les réflexions autour des lieux qui l’intéressent pour raconter à chaque spectateur une histoire différente. « La photographie, dit-elle, est ma façon de donner à l’ordinaire un aspect extraordinaire et de le placer dans un cadre. » L’acte photographique consiste souvent à refaire circuler la réalité autrement ; on reformule via la photographie des matières et des sujets ou des espaces-temps.
Pour Serge el-Helayel, la photographie argentique consiste à capturer l’aspect brut de la beauté et le mystère du monde qui nous entoure à travers le support unique du film. « Contrairement à la photographie numérique, dit-il, je crois que la qualité des films ajoute une certaine magie à l’œuvre. Mon style caractéristique de double exposition sur pellicule me permet de créer des images oniriques en couches qui explorent à la fois le monde naturel et l’expérience humaine. »
La photographie croise des histoires de lieux et de personnes, elle instaure un vocabulaire de milieux d’endroits et de visages, une conjugaison de couleur et de lumière, une grammaire de plans et de mouvements. Elle fait sans cesse appel à des regards différents et renouvelés, et construit une écriture visuelle poétique qui n’appartient qu’à l’artiste et que le spectateur a toujours plaisir à déchiffrer.
La nature de l’art photographique, sa facilité d’accès à un public néophyte et sa portée désormais accessible à tout un chacun constituent à l’évidence des éléments qui contribuent à sa recrudescence sur la scène beyrouthine.
Galerie Tanit : « Coups de cœur », jusqu’au 22 septembre.
District Art Gallery : « Through the Lens of Rising Photographers », jusqu’au 9 septembre.
Les artistes exposés
Art District Gallery : Chloe Khoury, Christy Nader, Jinane Baalbaki, Jinane Nassar, Luna Salem, Mohammad Kaaki, Serge el-Helayel et Serge Lahoud.
Galerie Tanit : Ziad Antar, Nadim Asfar, Christian Catafago, Sarah Charlesworth, Franck Christen, Roy Dib, William Eggleston, Fouad Elkoury, Elger Esser, Gilbert Hage, Joan Ill, Joumana Jamhouri, Rania Matar, Ian Mckeever, Randa Mirza, Samer Mohdad, Youssef Nabil, Éric Poitevin, Giulio Rimondi, Roy Samaha, Taryn Simon, Stephen Waddell et Kimiko Yoshida.
Les galeries Tanit et District Art se font un malin plaisir de réenchanter notre univers en accueillant, l’une (Tanit) vingt-trois photographes et l’autre (District Art Gallery) huit photographes.Depuis la montée en puissance des smartphones et des technologies de pointe, tout le monde, ou presque, peut prendre des photos de bonne qualité. Mais tout le monde, ou presque, n’est pas pour…
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