Paris Photo : l’intelligence artificielle prend ses marques dans le monde de la photographie

Un pas important vient d’être franchi à  Paris Photo, en réponse à l’accélération des outils techniques et aux nouveaux enjeux liés à l’évolution de l’image. Pour sa 26e édition au Grand Palais Éphémère, le salon international de la photographie fait une place de choix à l’intelligence artificielle.

C’est une première, pour une foire photo en Europe : un « secteur digital » accueille une dizaine de galeries. Française, britannique ou allemande, elles présentent des œuvres numériques et notamment des œuvres créées avec l’aide de l’IA.

Publicité

De quoi bousculer les frontières dans le monde de la photographie.

« L’IA pour moi, c’est un pinceau ! »

Albertine Meunier ne se considère pas du tout comme photographe. Artiste numérique plasticienne depuis vingt-cinq ans, elle expose dans ce secteur digital de Paris-Photo « HyperChips », une série de portraits de femmes mangeant des saucisses et des frites, réalisés sur la  plateforme d’intelligence artificielle DALL-E :

L’IA pour moi, c’est un pinceau ! C’est-à-dire que c’est un outil au même titre que la peinture pour créer des images. On dirait des photos qui sont mis en scène. Mais ce ne sont absolument pas des photos. Ce pinceau, c’est des mots. Parce que le seul accès à l’outil IA, c’est ce qu’on appelle le prompt. Ce sont des mots que vous tapez et validez pour produire une image. Au lieu de shooter avec son regard, on shoote avec des mots.

, Paris Photo : l’intelligence artificielle prend ses marques dans le monde de la photographie
“C'est le regard de l'artiste ou du photographe qui fera la différence” : la plasticienne Albertine Meunier, devant “HyperChips”, sa série de portraits “volontairement décalés”, réalisés avec l’aide de l’IA.
“C’est le regard de l’artiste ou du photographe qui fera la différence” : la plasticienne Albertine Meunier, devant “HyperChips”, sa série de portraits “volontairement décalés”, réalisés avec l’aide de l’IA.
© Radio France – Benoît Grossin

Ces images produites posent, selon elle, les questions actuelles du statut de l’image, “entre des photographies prises par des personnes, des humains, des photographes et des photos capturées par l’artiste sur les plateformes d’intelligence artificielle. On va produire plein d’images et on va en capturer quelques-unes. On va en choisir, on va dire celle-là, elle correspond au regard que moi je porte. Et là en l’occurrence, sur des femmes qui mangent des saucisses et des frites. C’est volontairement humoristique et volontairement décalé aussi.

Il s’agit pour Albertine Meunier de « dédramatiser » les sujets d’inquiétude au sujet de l’IA : “Aujourd’hui, on est encore capable de reconnaître des images produites par l’IA et des images produites par des humains. On fait ce distinguo. Mais en six mois, cela a énormément bougé. Je pense que dans les années à venir, ce sera de plus en plus difficile. C’est vraiment un travail d’exploration, de recherche… il faut apprendre à connaître ces outils, apprendre à connaître leurs limites et puis se situer ailleurs. C’est une ouverture qu’il faut développer avec son propre regard. C’est le regard de l’artiste ou du photographe qui fera la différence”.

, Paris Photo : l’intelligence artificielle prend ses marques dans le monde de la photographie
“Somewhere in Paris” et “Somewhere in Los Angeles”, ces deux œuvres de l’artiste irlandais Kevin Abosch, ne sont pas des photographies mais des images IA.
“Somewhere in Paris” et “Somewhere in Los Angeles”, ces deux œuvres de l’artiste irlandais Kevin Abosch, ne sont pas des photographies mais des images IA.
© Radio France – Benoît Grossin

« Repousser les frontières, présenter une autre forme de photographie »

Et dans ce nouveau « secteur digital » de Paris Photo, Maja Funke, la directrice pour les arts numériques de  la galerie allemande Nagel Draxler, présente le travail de  Kevin Abosch, un artiste irlandais utilisant ses propres photographies, recomposées par l’IA, pour donner des images de lieux fictifs en France et aux États-Unis :

L’artiste a fait des milliers de photos de Los Angeles et de Paris pour entrainer son propre modèle d’intelligence artificielle. Il a généré avec  la plateforme Stable diffusion des photographies synthétiques. Il a créé des images à partir de vraies photographies. Pour Kevin Abosch, l’IA est une recherche d’une autre vérité ou d’un autre point de vue qui ne vient pas de l’œil humain, mais de l’œil de la machine. Cela tout en participant avec la machine qui digère ces milliers de photos qu’il a prises lui-même.

, Paris Photo : l’intelligence artificielle prend ses marques dans le monde de la photographie
Dans le secteur digital de Paris Photo : Maja Funke, la directrice pour les arts numériques de la galerie allemande, Nagel Draxler, devant une des œuvres IA du photographe et artiste conceptuel irlandais Kevin Abosch.
Dans le secteur digital de Paris Photo : Maja Funke, la directrice pour les arts numériques de la galerie allemande, Nagel Draxler, devant une des œuvres IA du photographe et artiste conceptuel irlandais Kevin Abosch.
© Radio France – Benoît Grossin

En valorisant ces œuvres IA, en “accompagnant les artistes dans l’évolution des nouvelles technologies”, la galerie allemande Nagel Draxler entend, selon elle, “repousser les frontières, présenter une autre forme de photographie. L’IA a déjà sa place et va en prendre de plus en plus dans notre quotidien. C’est important d’avoir une position ou une perspective artistique. Et en tant que galeriste, c’est aussi un pari pour l’avenir.

, Paris Photo : l’intelligence artificielle prend ses marques dans le monde de la photographie
Florence Bourgeois, directrice de Paris Photo, devant une œuvre IA exposée dans le nouveau secteur digital de la foire internationale.
Florence Bourgeois, directrice de Paris Photo, devant une œuvre IA exposée dans le nouveau secteur digital de la foire internationale.
© Radio France – Benoît Grossin

« Un nouveau marché, encore jeune, à tester »

Et c’est un pari déjà pour le salon d’art international, comme le confirme la directrice de Paris Photo, Florence Bourgeois :

Il nous tient à cœur de montrer l’émergence, de montrer la façon dont les artistes vont s’emparer de ces technologies pour faire évoluer les œuvres et le médium photographique. De voir que certains artistes qui auparavant travaillaient aussi avec un appareil photographique vont maintenant partir sur de nouveaux territoires. C’est élargir le champ des possibles. Mais définitivement, c’est un nouveau marché, encore jeune et donc à tester.

Alors qu’elle présente majoritairement des œuvres IA,  la galerie Fellowship ne s’est pas installée dans le « secteur digital », mais a préféré un stand quelques mètres plus loin, dans le secteur principal, avec l’idée de faire un “pont entre les deux mondes, physique et virtuel”, explique Frederic Arnal, le cofondateur de cette galerie implantée en France, au Mexique et aux États-Unis. Sa stratégie est d’attirer, “comme un cheval de Troie”, des collectionneurs, musées et curateurs a priori réticents à s’aventurer dans le numérique.

“Être ici dans le secteur principal, cela évite l’écueil de certains visiteurs qui disent ne pas être intéressés par le digital”, Frederic Arnal, cofondateur de la galerie Fellowship

1 min

Il n’existe pas d’obstacle à un possible d’essor de ce nouveau marché, porté par une scène artistique de plus en plus productive, selon la commissaire du nouveau secteur digital de Paris Photo, Nina Roehrs, spécialiste allemande en art numérique :

Tout devient numérique dans nos vies. C’est pareil dans l’art et les artistes travaillent de plus en plus avec les nouveaux médias. Cela peut donc attirer de nouveaux acheteurs, comme on l’a vu avec les blockchains et les NFT ces dernières années… des gens jeunes ou des gens qui jusque-là n’étaient pas intéressés par l’art se sont mis à collectionner. Tout ce monde peut facilement devenir un collectionneur, et pas nécessairement dans une foire ou via des galeries. Je pense donc qu’il y a de nouveaux marchés qui se superposent partiellement avec le marché traditionnel de l’art. Nous sommes ici dans une foire qui présente un secteur digital, mais qui se tient aussi indépendamment du marché traditionnel de l’art en ligne.

Ce nouveau secteur dédié au numérique et à l’intelligence artificielle va-t-il déboucher sur des ventes concrètes ? Premières réponses à la fin de la 26e édition de Paris Photo.

Le Reportage de la Rédaction

8 min

Cet écrit a été rendu du mieux possible. Au cas où vous projetez de présenter des renseignements complémentaires à cet article sur le sujet « Olivier Perrenoud | Photographe » vous pouvez écrire aux contacts affichés sur ce site. olivierperrenoud.fr vous présente de lire cet article autour du sujet « Olivier Perrenoud | Photographe ». olivierperrenoud.fr est une plateforme d’information qui réunit de multiples informations publiés sur le web dont le domaine principal est « Olivier Perrenoud | Photographe ». Connectez-vous sur notre site olivierperrenoud.fr et nos réseaux sociaux dans l’optique d’être informé des prochaines communications.