Avec 156 galeries issues de 24 pays, c’est le plus grand salon international de la photographie. Cette année, pour la première fois, Paris Photo propose jusqu’au 12 novembre un nouveau secteur dédié à la photographie dans l’ère digitale. La Suisse Nina Roehrs, spécialiste dans l’art digital, dirige cette nouvelle section composée de neuf galeries d’art contemporain et plates-formes curatées. Entretien.
Publié le : 10/11/2023 – 18:28
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RFI : C’est la première fois en Europe qu’une foire dédiée à la photographie a créé son propre secteur numérique. Qu’est-ce que cela change ?
Nina Roehrs : C’est même une première non seulement pour un salon de photographie, mais aussi pour l’ensemble des foires d’art en Europe. Cela est dû au fait que notre vie devient de plus en plus numérique et que l’art est bien sûr lui aussi de plus en plus soumis à l’influence du numérique, tant au niveau des médias que du contenu.
Ici à Paris Photo, quelle est la part de la photographie réservée à la photographie numérique ?
Ici, il ne s’agit pas en premier lieu de savoir avec quel type d’appareil photo on a photographié, que ce soit avec la technique numérique ou analogique. Il s’agit avant tout de l’histoire de l’image et de l’évolution de la signification de l’image, et donc aussi de l’évolution de la photographie à l’ère numérique. Les artistes sont prédestinés à parler dans leurs œuvres de thèmes qui sont déterminants pour notre société. Et pour les artistes, le numérique signifie d’une part qu’il existe de nouveaux outils, de nouveaux médias, avec lesquels on peut s’exprimer. Mais le numérique signifie aussi l’apparition de nouveaux thèmes, par exemple : la surveillance, ou quelle est encore la sincérité d’une photo, ou quelle vérité pouvons-nous encore tirer d’une image ? Ce sont tous des thèmes abordés ici dans ce secteur.
L’un des artistes à découvrir à la galerie Office Impart s’appelle Damjanski et se définit comme « un artiste qui vit dans le navigateur ».
Damjanski est né en Yougoslavie, a grandi en Allemagne et vit maintenant à New York. Pour lui, cela signifie surtout qu’il fait des travaux qui sont disponibles de manière décentralisée pour le collectionneur ou l’amateur d’art. Il travaille beaucoup avec des applications que nous pouvons télécharger sur nos téléphones portables. L’accès à son travail se fait ainsi. Ici, à Paris Photo, il présente un travail où vous téléchargez une application qui vous permet de faire la mise au point sur des objets avec l’appareil photo. Il a écrit pour cette application un algorithme qui crée ensuite une composition picturale abstraite sur laquelle on n’a aucune influence. Mais, si on ne l’aime pas, on peut la faire renouveler encore et encore. Et à la fin, on peut même relier cela comme un NFT (une œuvre du « crypto-art ») et le collectionner. La galerie a également apporté quelques-unes de ces compositions sous forme physique, imprimées avec une technique de photogravure derrière du verre acrylique. La nouveauté de l’art génératif est que beaucoup plus d’œuvres sont créées que dans les studios d’artistes, où l’artiste fait ensuite des choix en tant que curateur et où nous ne voyons que très peu d’œuvres.
L’art numérique renforce clairement la tendance de multiplier les formes hybrides entre la photographie, la peinture, la sculpture et toutes sortes d’autres formes artistiques… Prenons l’exemple de l’artiste Louisa Clement à la galerie Kunst & Denker, qu’a-t-elle créé de nouveau ?
Louisa s’intéresse beaucoup à comment nous vivons individuellement l’ère numérique actuelle et comment nous vivons l’écart entre notre personnalité « numérique » et notre personnalité « physique ». Si nous pouvons encore faire la différence entre les deux. Pendant le confinement, à l’époque du Covid-19, nous nous sommes tous posé la question. On était tellement sur Zoom ou dans des réunions vidéo que, à un moment donné, nous n’avons plus eu l’impression que c’était moins réel que quand on rencontrait des gens physiquement.
Je pense que cela s’applique à notre vie à tous dans de nombreux domaines. Louisa s’y intéresse de très près et commence par des représentations sous forme d’avatars de son propre corps. Ces avatars ont été alimentés avec des informations sur sa vie personnelle. Et il y a aussi une exposition où l’avatar interagit avec les visiteurs. Et cela continue de plus en plus fort dans une vision de cette image artificielle de son corps, de ses formes qui deviennent de plus en plus abstraites et qui sont en partie aussi photographiques ou même sculpturales.
L’art numérique accroît-il le besoin de définition ? Les autoportraits d’Aleksandra Art, lesquels semblent d’abord très classiques, sont présentés par la galerie La Collection comme « post process photography with Artificial Intelligence NFT » ? Pourriez-vous nous traduire cela ?
Aleksandra Art est issue d’une génération d’artistes qui utilisent les nouveaux outils de l’intelligence artificielle (IA), accessibles à tous depuis un ou deux ans, comme Midjourney ou Dall-E. Et elle prend elle-même une photo. Par exemple, elle vient de me prendre en photo aujourd’hui sur le salon, et puis elle entreprend, avec l’aide de l’IA, des processus de changement. Elle ne travaille pas avec un seul outil mais avec plusieurs.
Dans la grande majorité des cas, les photos et images numériques sont aujourd’hui surtout diffusées sur Internet et sur les réseaux sociaux. Mais où se fait aujourd’hui la vente de photographies numériques ? Dans les foires, les ventes aux enchères, les galeries ? Et la création d’un secteur digital à Paris Photo va-t-elle changer quelque chose ?
Nous avons vécu les années 2021 et 2022 avec le confinement, et l’apparition soudaine de l’utilisation du NFT et de la technologie blockchain pour certifier l’authenticité de l’œuvre. Cela a donné la possibilité de supprimer les intermédiaires, c’est-à-dire les galeries et, en dernier lieu, de se passer même des foires d’art. Les artistes ont soudain la possibilité de certifier eux-mêmes leurs œuvres et de les proposer en ligne. Cela a modifié les structures du marché. Néanmoins, il est évident que l’on cherche toujours un contexte, des repères pour pouvoir évaluer ce qui est bon ou mauvais.
Et c’est à ce moment-là que la communauté Web3, c’est-à-dire les artistes qui travaillent avec la blockchain et le NFT, s’appuie à nouveau fortement sur le monde de l’art traditionnel. Nous le voyons aussi ici à Paris Photo. Nous avons les galeries traditionnelles, mais aussi quelques représentants appartenant à la génération Web3. Ce sont des plateformes qui s’intéressent en premier lieu aux artistes de la blockchain et du NFT, qui vendent leurs œuvres de manière entièrement curatée, souvent en ligne, dans certains cas avec des expositions physiques, mais plus avec le modèle traditionnel de la galerie.
Dans ces nouvelles structures de marché, ce sont un peu les nouveaux types de galeries. Et cela nous permet d’avoir ici aussi des artistes qui travaillent à l’avant-garde de ces développements.
► Paris Photo, du 9 au 12 novembre 2023 au Grand Palais éphémère, Paris.
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