L’été des années 80. L’appareil photo jetable en pleine forme plus de 40 ans après son invention

[Episode 3/5] L’appareil photo jetable fête cette année ses 42 ans d’existence. Cet objet iconique résiste à toutes les innovations. Même la révolution numérique n’a pas eu raison de lui.

De même que le disque vinyle fait un retour en force après avoir quasiment disparu, les appareils argentiques jetables, passés de mode depuis l’avènement du smartphone, ne sont pas non plus en voie d’extinction. Même le numérique n’a pas réussi à les éliminer. Aujourd’hui, grâce à la mode du « vintage », les jetables sont de plus en plus prisés par un public jeune et créatif.

L'appareil photo jetable, des souvenirs pour tous les vacanciers
L’appareil photo jetable, des souvenirs pour tous les vacanciers

Pour preuve, en 2023, il s’est vendu en France 500.000 appareils de ce type, selon une étude du cabinet GFK. Un score impressionnant, d’autant plus quand on regarde la progression en seulement un an: +70%.

« Beaucoup de jeunes se mettent à l’argentique, mais sont découragés par la complexité des réglages et le prix des appareils. Ils se reportent sur des jetables pour le côté ludique et le rendu vintage des photos », rapporte le gérant d’une boutique parisienne de photos.

Cette renaissance est inattendue, de même que le succès de ces appareils lors de leur lancement dans les années 80. Les purs et durs de la photographie argentiques ne croyaient déjà pas dans ces appareils à usage unique. Peut-être n’étaient-ils « pas assez chers » pour eux. Par contre, le grand public les a accueillis avec bonheur pour les mêmes raisons qu’aujourd’hui, à un détail près. À l’époque, ils étaient modernes, désormais, ils sont « vintage ».

Les appareils photos jetables ont été des supports publicitairesLes appareils photos jetables ont été des supports publicitaires
Les appareils photos jetables ont été des supports publicitaires © Joël Saget

C’est leur simplicité et la garantie de ne (presque) jamais rater une photo qui a fait le succès des appareils jetables. Ils ne nécessitent pas de savoir faire une mise au point, de régler une ouverture ou une vitesse de déclenchement. Même pas besoin d’apprendre à charger une pellicule.

Durant des décennies, ils ont immortalisé les soirées entre amis, les anniversaires ou les vacances. Ils ont aussi fait partie des basiques que les parents mettaient dans la valise de leurs enfants qui partaient en colonie de vacances. Du fait des prix plutôt bas pour un produit photographique, aucune crainte de la casser, de le perdre ou de se le faire voler.

Pour toutes ces raisons, le succès a été fulgurant dès 1982 quand le fabricant de pellicules Fuji a lancé le premier modèle. Ses concurrents (Agfa, Kodak, Konika, Ilford) ont vite suivi. Ces fabricants ont décliné des versions en différentes sensibilités, avec ou sans flash, avec téléobjectif, en grand-angle, en noir et blanc et en format panoramique. Un modèle étanche a même été créé.

Ces appareils sont aussi devenus des objets publicitaires pour des marques de vêtements, de meubles, de cigarettes ou la grande distribution. En moins d’une décennie, les ventes annuelles dépassaient déjà les 10 millions d’unités.

Ils auraient pu disparaître au début dans les années 2000 avec l’arrivée du numérique et en 2007 de l’iPhone qui ont bouleversé l’usage et le marché de la photo. Bien au contraire.

Ils ont créé un style de photo ouvrant un nouveau champ de création basé sur des photos de basse qualité avec des couleurs saturées, des contrastes élevés ou des déformations causées par les lentilles plastiques de piètre qualité. Des applis de lomographie -nom donné au rendu de ces photos- ont même été lancées pour imiter la qualité des jetables en proposant de choisir ces pellicules « vintage ».

Choisir son film sur une appli.Choisir son film sur une appli.
Choisir son film sur une appli. © PS

Une production en tension

Quand bien même, ces boîtiers remplissaient la mission pour laquelle ils ont été conçus: obtenir simplement et pour pas cher une photo souvenir. À l’époque, un jetable coûtait à peine 10 francs de plus qu’une pellicule standard. Les prix sont toujours aussi bas. On trouve aujourd’hui des jetables à moins de 20 euros.

La recette d’hier basée sur un rapport plaisir/qualité/prix reste la base du succès. Pour réussir un cliché, pas besoin d’avoir fait Louis Lumière, la prestigieuse école des métiers de l’image. Il suffit de se placer ni trop près, ni trop loin du sujet (entre 1 et 3 mètres) et éviter de bouger pour la netteté. Idem pour l’éclairage, ni trop sombre, ni trop lumineux, à moins de chercher des effets artistiques. Au besoin, un coup de flash sera nécessaire.

Aujourd’hui encore, les albums sont remplis de ces clichés pas très nets, pas très bien exposés, un peu saturés et souvent mal cadrés. Une qualité passable qui aujourd’hui est devenue « vintage », rappelant pour certains les photographies de leur enfance. Selon le cabinet GFK, en 2023, le volume des ventes des jetables était équivalent à celui des appareils photo numériques. « Si la disponibilité était meilleure, le volume des jetables les dépasserait », assure le groupe Fnac-Darty.

« Le marché est sous tension en termes d’approvisionnement avec des difficultés pour les fabricants à répondre à l’ensemble de la demande qui est très forte et donc en forte augmentation », précise l’enseigne.

La chronique d'Anthony Morel : Que faire de ses photos de vacances ? - 28/08
La chronique d’Anthony Morel : Que faire de ses photos de vacances ? – 28/08

Un non-sens écologique

Pour les vendeurs, les fabricants, les laboratoires et bien sûr les utilisateurs, ce produit n’a que des avantages. Pour la planète, c’est moins vrai. Déjà, la photo argentique est polluante. Les films sont composés de produits toxiques (chlore, bromure d’argent, gélatine artificielle…) et pour le développement, ils nécessitent d’autres produits chimiques.

Les appareils photo jetables, quand le plaisir devient un défi écologique.Les appareils photo jetables, quand le plaisir devient un défi écologique.
Les appareils photo jetables, quand le plaisir devient un défi écologique. © GERARD JULIEN

Mais les jetables créent d’autres déchets. Si le plastique du boîtier est récupérable, la difficulté repose sur les composants intégrés et surtout la pile nécessaire pour faire fonctionner le flash. Après 36 vues, cette batterie, considérée comme un DEEE (déchet d’équipement électrique ou électronique) est encore pleine, mais doit tout de même être jetée avec l’appareil.

L’Ademe explique sur son site que ces appareils « peuvent être reconditionnés et remis sur le marché ». Sinon, ils sont désossés et les différents composants sont recyclés « quand c’est possible ».

« Ceux qui ne sont pas recyclables sont incinérés (avec le plus souvent récupération de chaleur pour produire de l’énergie) ou enfouis dans des installations de stockage de déchets (déchets ultimes ou substances polluantes ou réglementées) », indique l’Ademe en proposant de « privilégier l’utilisation d’un appareil photo non-jetable ».

Les appareils photos jetables peuvent être déposés au service SAV des Fnac dans des bacs de recyclage mis à disposition par Ecosystem.Les appareils photos jetables peuvent être déposés au service SAV des Fnac dans des bacs de recyclage mis à disposition par Ecosystem.
Les appareils photos jetables peuvent être déposés au service SAV des Fnac dans des bacs de recyclage mis à disposition par Ecosystem. © Ecosystem

Certains labos photographiques de quartier sont plus que conciliants. Ils proposent non seulement aux clients de récupérer les piles, mais aussi d’installer une pellicule neuve dans le boîtier. Même les fabricants jouent le jeu de la durabilité.

« Ces appareils photo sont en fait qualifiés de ‘jetables’ à tort, car ils peuvent être reconditionnés pour être ensuite remis sur le marché », signale le site Ecogeste.

Les fabricants ne pouvaient pas laisser échapper une telle manne. Ils ont donc tout simplement réinventé l’appareil photo réutilisable. Il s’agit de boîtiers low-cost à peine plus chers qu’un jetable qui fonctionnent avec des pellicules 35 mm. Rien à voir avec les boitiers argentiques compacts équipés d’objectifs de qualité qui coûtent quelques centaines d’euros. Ces « jetables réutilisables » sont vendus à partir de 25 euros. Auront-ils le même succès que les jetables? Pour le moment, les ventes ne confirment pas cette tendance.

Pascal SamamaPascal Samama

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