Les photographes nippones, « peut-être plus que les photographes françaises et américaines par exemple, ont eu du mal à se faire une place dans le paysage artistique », en partie parce que la société japonaise « ne laisse pas forcément beaucoup d’espoir à une femme qui ne veut ni être mère, ni être femme à temps complet et qui peut-être a d’autres passions », indique à l’AFP une des commissaires de l’exposition, Pauline Vermare.
Une autre explication tient au fait qu' »au Japon, pendant très longtemps, il n’y a pas eu de musées qui présentaient de la photographie, il n’y avait pas de collectionneurs », poursuit Mme Vermare, précisant que les artistes exposées représentent un « grand nombre de générations, de styles et d’approches » sur une période allant des années 1950 à nos jours.
« Quelle joie de vous voir » est l’une des nombreuses expositions présentées, depuis le 1er juillet et jusqu’au 29 septembre, par Les Rencontres photo d’Arles, un des festivals de photographie les plus réputés au monde, qui a pour thème cette année « sous la surface », une ode à la diversité du monde.
L’exposition sur les photographes nippones est le fruit de quatre années de travail, au terme desquelles les clichés ont été sélectionnés autour de trois thèmes: les critiques de la société, le quotidien, et enfin les expérimentations autour de la photographie.
Dans la ville provençale au riche passé romain, les visiteurs pourront donc admirer les tirages ultra colorés de la quinquagénaire Mika Ninagawa, les images de sa cadette Mari Katayama, qui montre des femmes portant des prothèses de jambes, ou encore la photo provocatrice de Yurie Nagashima, où une femme enceinte quasiment nue fait un doigt d’honneur, les yeux rivés sur l’objectif.
– « La connexion invisible entre les personnes » –
Parmi les artistes exposées, on trouve également Asako Narahashi et ses paysages aquatiques, ou encore Yuki Tawada.
Cette artiste, née en 1978, utilise des restes de clichés brûlés, provenant notamment de « photographies grand public qu’elle a trouvées », explique Mariko Takeuchi, autre commissaire de l’exposition.
Le travail de Yuki Tawada « inclut sa famille » et « fait également référence à une sorte de famille anonyme. Son intérêt est toujours au niveau de l’invisible. La connexion invisible entre les personnes », précise Mariko Takeuchi.
Cette artiste explore la matérialité des tirages « avec une méthode tout à fait unique », poursuit la commissaire, attirant ainsi l’attention du visiteur sur des oeuvres qui s’apparentent à des céramiques mais sont en fait de petits vases ocres et beiges produits à partir de résidus de photos.
L’exposition « est née d’un désir de présenter des photographes qui avaient très peu exposé en dehors du Japon », a souligné Pauline Vermare, assurant que plusieurs artistes s’étaient rencontrées, parfois pour la première fois, à Arles.
« Chacune d’elle a travaillé de manière très indépendante, sans parfois exposer de son vivant », précise Mme Vermare.
Pour Lesley A. Martin, la troisième commissaire, cette exposition vient « combler les lacunes dans l’histoire de la photographie japonaise », dans laquelle habituellement « on voit très peu de femmes ».
« Nous voulions vraiment leur rendre leur place », poursuit-elle, évoquant le travail de celles « qui travaillent contre certaines des idées dominantes, façon dont nous, en Occident, avons appris à connaître la photographie japonaise. »
Les Rencontres d’Arles présentent également cette année la première rétrospective mondiale de la portraitiste américaine Mary Ellen Mark, ainsi que les oeuvres de l’Espagnole Cristina de Middel ou encore des clichés subaquatiques du Mississipi signées Nicolas Floc’h.
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