Les Invisibles : « Un film sur les possibilités de réinsertion, les possibilités de lever la tête et d’être fier »

Après « Discount », Louis-Julien Petit revient avec « Les Invisibles », une comédie sociale sur la réinsertion, porté un casting mélangeant non professionnelles et actrices confirmées comme Corinne Masiero ou A. Lamy. Rencontre avec une équipe engagée.

AlloCiné : Qui sont Les Invisibles ?

Louis-Julien Petit, réalisateur : Ce sont ceux qu’on n’aide pas à aider les autres. Ce sont autant les travailleurs sociaux qui exercent un métier très honorable, avec une force et une conviction telle qu’une réinsertion est possible, et les accueillis, les femmes accueillies, qu’on ne regarde plus, qu’on met un peu de côté.

J’ai traité ce film, de manière comique, pour qu’on casse les préjugés qu’on peut avoir sur ce milieu, les préjugés que l’on peut avoir sur quelque chose que l’on ne connaît pas. Dans la rue, on baisse un peu les yeux, on ne sait pas trop quoi faire. Le film sera réussi si en sortant de la salle on croise une personne et on repense à Chantal ou une autre femme que l’on a vu dans ce film… Pendant 1h40, ces femmes nous donnent d’elles, de leur force, de leur espoir, de leur vie. Elles témoignent au service de la fiction.

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JC Lother

Ces Invisibles, ce sont aussi nous, transparents à cette problématique. Il y a un problème de société : nous, humainement, civiquement, on ne peut pas laisser des gens dormir dans la rue. Pour moi, c’était la base de cette problématique. Dans Discount, j’avais traité de la précarité, sur le gaspillage alimentaire. Dans Carole Mathieu, c’était un film sur la maltraitance au travail, le burn out. Là, c’est un film sur les possibilités de réinsertion, les possibilités de lever la tête et d’être fier. (…)

L’idée avec ce film n’était pas de s’acharner sur la lenteur de l’administration mais au contraire mettre ma caméra sur de possibles solutions. Qu’est ce que serait un système utopique ? Ce film est une utopie. On ne se dit pas qu’elles vont trouver toutes les solutions et que c’est génial, tout se règle en une seconde. Ce serait trop simple. Mais en tout cas, elles essayent. Ce sont des résistantes modernes. Ce sont des femmes qui se battent pour quelque chose qu’elles croient juste. C’est de la désobéissance civile. (…)

C’est mon troisième long métrage. J’ai envie que le positionnement, le propos du film fasse débat. Il y a un sujet de société qui est traité et qu’on se demande à la fin : on en est où aujourd’hui ? 

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Au départ de ce film, il y a un documentaire ?

Louis-Julien Petit : Le film est tiré du récit d’un documentaire de Claire Lajeunie (« Femmes invisibles, survivre dans la rue, diffusé sur France 5, en 2015, Ndlr.). C’était un documentaire dans lequel elle suivait des femmes dans la rue à Paris. Elle en a tiré un livre (Sur la route des invisibles, femmes dans la rue, Editions Michalon, 2015, Ndlr.) qui était son point de vue sur ce monde. Et bizarrement, c’était extrêmement drôle.

Elle m’a donné le livre, j’étais dans le train pour aller à Angoulême il y a deux ans. Je ferme le bouquin et je me dis : là, il y a un film. Je veux faire ça. Je suis rentré d’Angoulême, je suis allé dans les centres d’accueil. J’ai passé un an dans les centres d’accueil, un peu partout en France, pour être au plus juste, pouvoir sortir la sève. C’est un film sur le vivre ensemble, et je l’espère, un film solaire.

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Le film mélange des actrices professionnelles et non professionnelles. Les non professionnelles ont-elles été difficiles à convaincre de participer ?

Louis-Julien Petit : Les non actrices qui ont travaillé sur ce film n’ont pas été difficiles à convaincre car c’était de leur propre chef. Ce sont elles qui sont venues. On a fait un casting. Clément Morel, qui a notamment travaillé avec Bruno Dumont, a fait un travail de dingue. C’était difficile car il fallait évidemment que ces femmes soient stabilisées, qu’elles aient un toit, qu’elles aient connue la rue et qu’elles puissent en parler. Mais aussi qu’elles soient fiables.

Quand on rentre dans un tournage, il faut arriver à telle heure, finir à telle heure. Ca peut dépasser, c’est long. On a perdu 30 % des femmes dès le premier jour. On le savait. Au fur et à mesure, ce sont les plus fortes, les plus touchantes qui sont restées et on les a fait rentrer dans des personnages. Pour elles, c’était une sorte de combat parce qu’on est rémunéré, regardé, filmé… Faire partie d’une équipe. Ca a été plus qu’important, c’était un retour au travail. 

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Sur le papier, cela n’était pas forcément évident, mais on ne sent aucune différence entre le casting professionnel et non professionnel, au point que l’on se demande qui est qui, et surtout, il y a un esprit d’équipe qui se ressent. Pouvez-vous nous dire comme cela s’est passé pour qu’il y ait cette alchimie entre vous ?

Corinne Masiero comédienne : Ca, c’est la patte de Louis-Julien Petit, qui prend les gens quels qu’ils soient. Acteurs. On est tous acteurs. Professionnel, non professionnel, ça ne fait pas de différence. Il prend chacun avec sa personnalité, avec ce qu’il peut amener et il voit ce qu’il se passe et il provoque les choses. Il s’adapte aux envies, aux possibilités de chacun et il nous pousse tout le temps à aller plus loin, tout en respectant les uns et les autres.

Déborah Lukumuena comédienne : On a lu le scénario et on a visité des centres. Il n’y a pas eu de répétitions et je me dis que ce n’est vraiment pas plus mal, car pour un sujet pareil, ça aurait été dommage d’être chargé d’un ton, d’une idée, d’une émotion en amont, et juste plaquer ça.

On en est chargé, mais pas simplement en tant qu’acteur, en tant qu’humain. On voit les choses différemment car on a vécu ce tournage. Ce qui nous fédère et ce qui nous a fédéré avec ces femmes, c’est qu’on était tous en train de vivre quelque chose. On est fier d’avoir fait ce film car on l’a vécu de cette manière. La meilleure manière de faire passer le message, c’est de bouleverser quelqu’un. 

Pablo Pauly comédien : Le film est un moyen, pour que ça fasse parler et que ça fasse bouger certaines choses. Si on peut faire bouger les choses, via une palette artisitique, c’est quand même assez fabuleux. 

La bande-annonce des Invisibles, à l’affiche ce mercredi 9 janvier :

Propos recueillis au Festival du film francophone d’Angoulême 2018

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