Jusqu’en 2026, le plus grand catamaran du monde parcourt la Grande Bleue avec une exposition immersive du musée du Louvre à bord et l’ambition de mener une mission de démocratisation artistique dans les ports qu’il visite.
« L’art n’a pas de frontières. » Frédéric Jousset, la cinquantaine légère, cheveux et barbe grisonnants, sourit au vent. Il balade sa silhouette sportive, pieds nus, sur les ponts d’Art Explorer, l’immense catamaran musée (47 mètres de longueur, 18 mètres de largeur) amarré dans le port de plaisance de Tanger, sous les remparts de la ville. Ce bateau hors normes arbore un pavillon français en tête du mât qui culmine à près de 55 mètres.
Sa coque bleu marine parfaitement lissée, ses travées en bois exotique, sa marina arrière d’une surface impressionnante suscitent l’admiration des visiteurs qui se pressent à bord pour le découvrir gratuitement. « Tanger est la 4e étape d’une odyssée de trois ans qui va mener le bateau dans une vingtaine de ports de la Méditerranée », reprend Frédéric Jousset. « Après Marseille, Venise, La Valette et Tanger, nous rejoindrons Rabat du 11 au 17 octobre pour proposer une nouvelle expérience culturelle inédite à la population. »
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Voile et Art
Ancien entrepreneur à succès – il a cofondé la société Webhelp en 2000 et l’a dirigé jusqu’à son rachat par Concentrix en 2023, sur la base de 4,4 milliards d’euros -, Frédéric Jousset consacre aujourd’hui la majeure partie de son temps à des activités « non-profit ». Passionné de voile et d’art – il est le fils de Marie-Laure Jousset, conservatrice au Centre Georges Pompidou, et Hubert Jousset, président de l’École normale de musique – le patron de Beaux-Arts Magazine et du Quotidien de l’Art a eu l’idée en 2020 d’un projet inédit, à la mesure de son ambition de mécène.
Au sein de la fondation Art Explora, il envisage alors un musée itinérant destiné à l’immense majorité de la population mondiale, installée sur les côtes des cinq continents de la planète. « Ensemble, nous rêvons d’un monde ouvert où les cultures ne se jugent pas mais dialoguent. » Le bassin méditerranéen est identifié comme un premier champ exploratoire idoine, tant sa géographie se prête au cabotage vers des populations et des ressources culturelles et artistiques infinies.
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Quoi de mieux, dès lors, qu’un géant des mers conçu par un duo d’architectes stars pour y mener la mission de démocratisation du monde de l’art ? Axel de Beaufort et Guillaume Verdier étaient à l’origine du bateau Team New Zealand, vainqueur de la Coupe de l’America en 2021. Ce sont eux qui imaginent puis donnent naissance à Art Explorer en 2023, sur le chantier Perini Navi en Italie. Leur œuvre est magistrale et a conduit le jury de The Honours 2024 à célébrer Frédéric Jousset comme Super Yachtman de l’année à Monaco, début octobre.
« Notre objectif n’est évidemment pas de débarquer dans les ports sur ce gros bateau avec la volonté de délivrer la bonne parole culturelle aux populations qui l’attendent ! »
Frédéric Jousset
Mieux, les capacités du catamaran qui peut accueillir jusque 2 000 personnes par jour ont fini de convaincre le Musée du Louvre de collaborer à la création d’une exposition immersive dénommée « Présentes ». « Cette œuvre numérique propose une réflexion sur le rôle et la représentation des femmes dans le monde méditerranéen », explique Philippe Rivière, directeur du digital de la Fondation Art Explora.
« Attention», note Frédéric Jousset, «notre objectif n’est évidemment pas de débarquer dans les ports sur ce gros bateau avec la volonté de délivrer la bonne parole culturelle aux populations qui l’attendent !» « Ce n’est pas notre démarche. C’est pourquoi nous nous appuyons sur des commissaires culturels experts de chaque destination pour mettre en œuvre une programmation et des performances d’artistes locaux », confirme Blanche de Lestrange, directrice artistique d’Art Explora, qui a ainsi confié à l’excellente Laila Hida l’organisation des étapes marocaines.
Projet d’échange et de dialogues
Comme les premières escales l’ont démontré, le Festival Art Explora est avant tout un projet d’échange et de dialogues. Les commissaires associés au projet invitent des artistes, des scientifiques et des chercheurs issus des différents ports accostés. Ils participent à des résidences à bord du bateau, sur la scène installée au milieu des pavillons d’expositions du Festival et au cœur des villes méditerranéennes qui les accueillent « hors les murs ». À Tanger, le format a encore fonctionné.
Plus de 100 000 visiteurs sont venus découvrir les œuvres présentées et la programmation festivalière, toutes générations confondues, du 20 au 29 septembre. « Pendant la présence du bateau à Tanger », précise Yann Le Touher, directeur de la communication de la Fondation Art Explora , « l’ambiance a été très festive et joyeuse. Nous avions prévu d’accueillir 2 000 scolaires, les autocars arrivaient le matin avec le double de l’effectif prévu ! Nous nous sommes adaptés pour les visites du bateau. Les enfants étaient ravis de participer aux ateliers de dessin et de collage… La population est venue nombreuse chaque jour, profitant des soirées pour chanter et danser. »
Lors des deux prochaines années, Art Explorer voguera vers Tunis, Athènes et Alexandrie parmi la quinzaine d’escales à venir, dont le calendrier reste toutefois à définir, en fonction des opportunités et des contraintes qui se présentent. « Le projet Art Explorer nécessite beaucoup d’engagement diplomatique et politique, dans le sens le plus noble du terme », conclut Bruno Julliard, directeur général de la Fondation Art Explora, ex-premier adjoint en charge de la Culture à la Mairie de Paris. « Au-delà de la prouesse technique du bateau et des expositions itinérantes, ce qui nous rend le plus fier est d’avoir réussi à créer une vraie coopération méditerranéenne, avec des artistes, des commissaires et des curateurs qui sont vraiment issus des cultures locales et qui ont travaillé ensemble sur le contenu. Ce n’était pas facile à la vue du contexte politique de l’ensemble du contour méditerranéen.»
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